Expositions d’été à Paris : Quai Branly et Pinacothèque
Outre la découverte de la Fondation Louis Vuitton, nous avons vu deux expositions importantes tenues à Paris. Notre programme étant par la suite complété par une visite de la Ville de Lyon avec le musée des Confluences et un parcours du musée des Beaux Arts, un des plus importants de France, par l’ampleur de ses collections. A chaque visite, correspond aussi un inventaire des quartiers des villes visitées, qui sera prochainement relaté….
Au Quai Branly : L’Inca et le Conquistador
À travers les portraits de l’Inca Atahualpa et du conquistador Francisco Pizarro, l’exposition retrace les moments-clés de la conquête de l'empire Inca, mettant en scène la rencontre de deux mondes, avec leur destin. Il est intéressant de voir la distanciation prise dans la description des évènements selon les époques. Il y a quelques années au musée anthropologique de Mexico la colonisation et la volonté de destruction de l’écriture Maya étaient mises en scène. Ici, le parcours devient plus informatif sur l’âpreté de la conquête et l’esprit de lucre qui animait les envahisseurs. En 1520 : l’empire espagnol de Charles Quint, assoiffé d’or et de conquêtes, poursuit son exploration de l’océan Pacifique et du littoral sud-américain entamée une décennie plus tôt. Au même moment côté amérindien, le plus grand empire inca jamais connu, mène son expansion sous le règne de Huayna Capac. À la mort de ce dernier, une crise dynastique porte au pouvoir son fils Atahualpa, coïncidant avec l’arrivée sur le territoire péruvien de l’espagnol Francisco Pizarro et de ses conquistadores.
Autour des récits espagnols et indigènes de la conquête, illustrant les parcours parallèles puis l’affrontement de ses deux protagonistes, l’exposition retrace les moments-clés de l’histoire du continent sud-américain. Présentés sous forme de dialogue, les objets incas et hispaniques, les peintures, cartes et gravures d’époque mettent l’accent sur la confrontation de deux mondes radicalement opposés, engagés dans une profonde révolution politique, économique, culturelle et religieuse. Après avoir rançonné Atahualpa au prétexte d’une bible jetée à terre, Pizzarro obtient la livraison de 4 tonnes d’or et de 8 tonnes d’argent. Il exécute Atahualpa en dépit du paiement. Cette remise fabuleuse sera partagée entre seulement 163 personnes (outre 20% de commission allant à la reine d’Espagne). Ces épisodes ont été véhiculés par les chroniques espagnoles et indiennes, de manière différente : la présentation met en exergue ces différences, ainsi que les codes culturels transparaissant dans les récits et la stratégie militaire des deux camps. Enfin, les rivalités personnelles précipitent les Conquistadors dans la guerre civile : Pizarro est assassiné par ses compatriotes en 1541. Outre un tableau représentant méticuleusement la scène de son assassinat nous observons un squelette orné des divers impacts de poignards et épées. Un relevé anthropométrique du corps est exposé avec un crâne percuté, des côtes blessées, une jambe fracturée. Au-delà de l’Histoire racontée par le musée, une autre histoire de malfrats et de règlements de comptes, de rançon et de difficile partage du butin, relate la fin sinistre d’un épisode digne de la série noire.
L’exposition est construite en quatre sections, chaque section intégrant un nombre varié d’objets. Les deux premières sections concentrent la majeure partie des objets.
La première partie met en scène les deux camps adverses et leur leader respectif : ce parcours parallèle permet de faire connaissance avec les deux protagonistes Pizarro et Atahualpa, dans des présentations indépendantes mais en dialogue.
La deuxième section donne corps à la rencontre avec l’Autre. Une place importante est accordée au statut de Pizarro (cavalier) et de l’Inca à travers des objets phares comme le siège en bois, ainsi qu’aux symboles véhiculés sur cette rencontre : la bible d’un côté, les rituels de boisson de l’autre. Puis suivent la capture et la rançon d’Atahualpa.
La troisième section, moins riche en objets, intègre plusieurs multimédia : sur la ville de Cuzco, sur l’assassinat de Pizarro et sur le vol et le transport du corps d’Atahualpa dans sa terre natale.
La quatrième partie ouvre sur la suite de la conquête et l’idéal d’une société métisse, encore aujourd’hui mise en question.
Pour la période estivale 2015, la Pinacothèque de Paris présente l’une des plus belles collections privées d’art flamand, celle de Hans Rudolf Gerstenmaier. Ses œuvres sont exposées aux côtés de l’accrochage transversal et pluridisciplinaire des Collections permanentes de la Pinacothèque de Paris, du 10 juillet au 4 octobre 2015, puisque ce collectionneur nous fait l’honneur d’accepter d’entrer dans le cercle fermé de ceux qui déposent une part de leur collection à la Pinacothèque de Paris.
De nationalité allemande, Hans Rudolf Gerstenmaier est un entrepreneur. Il a travaillé de nombreuses années dans le domaine de l’industrie et de la technologie. Il a commencé à collectionner il y a plus de quarante ans, en Espagne. Sa collection est, avant tout, l’expression de son goût personnel et de sa recherche d’esthétisme. Ce qui était alors une passion a donné naissance à la collection actuelle. L’un des plus grands mérites de ce collectionneur singulier et passionné est peut-être d’avoir acquis la majorité de ses œuvres dans des salles de vente, galeries ou chez des antiquaires, ce qui lui a permis de redécouvrir des œuvres oubliées, comme l’exceptionnelle Vierge dite de Cumberland de Rubens.
Hans Rudolf Gerstenmaier a toujours eu une préférence pour la peinture flamande du XVe au XVIIe siècle, et ce sont justement ces pièces majeures auxquelles nous rendons aujourd’hui honneur. Comme toute collection privée, elle reflète avant tout la sensibilité artistique de son propriétaire. Petite anecdote à ce sujet : la majorité des œuvres ici exposées ont été acquises, dans des salles de vente, des galeries ou chez des antiquaires. Les collections privées ont cette particularité de nous faire découvrir des œuvres réunies par amour de la beauté. La collection de M. Gerstenmaier est donc le fidèle reflet des qualités que se doit de posséder tout bon collectionneur : la passion pour l’art, la patience et la constance.
L’exposition présente des peintures sur bois et toile. Elle fait également la part belle à des gravures, réalisées par les maîtres les plus importants de leur temps, tels que Rubens et son élève Van Dyck.
Dans les Flandres de la fin du XVe siècle, la prospérité et une relative liberté de pensée permettent la naissance et l’émancipation de nouveaux genres picturaux, dont le paysage. Le paysagisme est ici incarné par Joost de Momper, en collaboration avec Jan Brueghel, qui offre une scène admirable ouverte vers l’infini d’un paysage flamand à la lumière crépusculaire.
Nous retrouvons également la peinture de fleurs, genre dans lequel la supériorité des peintres flamands n’est plus à démontrer.
La peinture historique ou religieuse est également représentée. L’Adoration des anges et des bergers de Martin de Vos ou le splendide triptyque anonyme se distinguent particulièrement.
Lors de notre visite les salles étaient quasi désertes, ce qui nous a permis d’admirer de près ces belles pièces dans un silence solennel. Une expérience exceptionnelle !
Incontestablement, le XVIIe siècle, au plan artistique, fut un siècle d’une très grande richesse artistique pour la Hollande car les peintres étaient nombreux et très appréciés par le public, quelle que soit sa classe sociale.
La peinture flamande représente aussi un art d’une très grande valeur historique. Elle est le fruit du mouvement qui donna naissance à la bourgeoisie ; aboutissement culturel et idéologique de grande importance. C’est toute cette histoire qui se raconte au travers des peintures historiques, religieuses, de paysages ou des natures mortes du XVe au XVIIe siècle.
Cette exposition n’offre pas simplement une vue transversale de l’art flamand, elle donne également un aperçu fascinant de la production picturale à cette époque.
Et au gré de nos déambulations, nous avons également pu apprécier, au regard de l'opulence des vases de fleurs signés Gaspar-Pieter Verbruggen le Jeune, la veine pittoresque de Adrian De Gryef avec deux toiles monumentales de belle facture mettant en scène des animaux dans des paysages arborés ("Le Paradis terrestre", "Allégorie des créations humaines").