La Fondation Hartung Bergman à Antibes
Hans Hartung est né le 21 septembre 1904 à Leipzig et mort le 7 décembre 1989 à Antibes. Peintre français, photographe et architecte, est l’un des plus grands représentants Hans Hartung de l’art abstrait.
L'astronomie et la photographie l'émerveillent : il construit son propre télescope grâce auquel il observe des « fragments du réel » dont l'apparence abstraite anticipe sur ses futures œuvres. Il fréquente ensuite jusqu'en 1924 le lycée de Dresde. Copiant librement certaines œuvres classiques, il en simplifie la composition pour n'en retenir que les masses colorées. Dès 1922, il atteint l'abstraction dans une série d'aquarelles déterminantes.
Ces œuvres comptent énormément pour Hartung car, dit-il, « la tache y devenait libre, elle s’exprimait par elle-même, par sa forme, par son intensité, par son rythme, par sa violence, par son volume. » Un an plus tard, il exécute dans un même registre d’abstraction pure, des fusains, des craies noires et des sanguines plus structurés dont il explique : « On trouve ici en prémices presque la totalité de mes éléments, de mes signes et rythmes futurs, les taches, les « poutres », les courbes, les lignes. »
Matricielles et pionnières, ces expérimentations ne seront néanmoins véritablement connues et exposées qu’après la deuxième guerre mondiale. Quelques aquarelles de 1922 sont montrées pour la première fois, et de façon relativement confidentielle, galerie Craven en 1956 et elles sont surtout reproduites et présentées dans un ouvrage fondamental de Will Grohmann : Hans Hartung Aquarelle 1922. Cet ouvrage publié en 1966 inscrit la pratique de Hartung du début des années 1920 comme un précédent historique remarquablement précoce de tout l’art informel et gestuel de la seconde partie du XXe siècle.
C’est cette même année 1926, à l’âge de 22 ans, qu’il part s’installer à Paris. Il s’inscrit à la Sorbonne « avec la ferme intention de ne jamais en franchir le seuil. Il s’enthousiasme pour ce qu’il voit de Picasso, et fréquente abondamment le Louvre, y passant des journées entières à regarder les maîtres anciens et à les copier en les adaptant à ses propres visions : il signe ainsi sur papier une version complètement abstractisante d’un tableau du Greco.
Il rencontre Anna-Eva Bergman, jeune peintre norvégienne qu'il épouse en septembre 1929. En 1931, après un séjour sur la Côte d’Azur pendant l'hiver, il expose pour la première fois à Dresde, et avec Anna-Eva Bergman l'année suivante à Oslo, travaillant un moment dans une île du sud de la Norvège.
En 1939, il s'inscrit sur la liste des volontaires contre l'hitlérisme en cas de guerre et épouse Roberta Gonzalès (1909-1976), la fille du sculpteur, elle-même peintre et sculptrice. En septembre 1939, la France est décidée à arrêter et enfermer un certain nombre de ressortissants allemands présents sur le territoire national. Malgré son opposition au régime, Hans Hartung fait partie de ceux qui sont arrêtés. Libéré le 26 décembre, il s'engage dans la Légion étrangère pour la durée de la guerre sous le nom de Jean Gauthier et est envoyé en A.F.N. Présentant peu de goût pour la chose militaire, il est désigné, avec un autre camarade pour repeindre l'intérieur du réfectoire du quartier militaire de Sidi Bel Abbès.
Après une intervention du consul de la France libre, Hartung rejoint l'Afrique du Nord et s'engage à nouveau dans la Légion, sous le nom de Pierre Berton cette fois-ci. Affecté au comme brancardier, blessé durant l'attaque de Belfort en novembre 1944, plus précisément dans le bois de Buc. Comme il n’y a aucune organisation ou presque pour les victimes, il est expédié dans la cour d’une ferme sur son brancard ; Hartung reste deux jours sans secours. La gangrène commence à gagner sa plaie. Il est enfin conduit à Dijon, à 200 kilomètres. Dans l’ambulance, un soldat posté au-dessus de lui fait une hémorragie et le sang dégouline sur Hartung. Mais la voiture n’a pas le temps de s’arrêter. L’homme meurt sur le trajet. Hans arrive enfin à l’hôpital. On lui annonce qu’on va l’opérer. Et quand il se réveille, il explique avoir eu « la sensation bizarre qu’il [lui] manquait quelque chose». Il surprend la conversation des infirmiers à côté de lui et il comprend alors qu’on lui a coupé la jambe au niveau du genou. Malheureusement, le genou ne cicatrice pas et se gonfle de pus : il faut transférer Hartung de Dijon à Toulouse avec cette fois trois jours de trajet dans des conditions de souffrance atroces. Les médecins qui le réceptionnent l’examinent et décident de couper à nouveau, au niveau de la cuisse. Il assiste à la seconde amputation, lucide, car il n’y a pas moyen de l’anesthésier complètement. Il vieillira avec une prothèse et deux béquilles. Il est réformé le 18 mai 1945.
Lors de la 24e édition de la Biennale de Venise, en 1948, Hartung apparaît dans deux espaces : tandis que sa toile T1946-17 est exposée dans le pavillon français, sa toile T1947-27 est quant à elle dans la section consacrée à la collection de Peggy Guggenheim. Alain Resnais réalise sur lui un film, intitulé Visite à Hans Hartung, qui est présenté en 1948 en Allemagne et en 1950 à Paris. À partir de 1949, il réalise plusieurs expositions personnelles ou collectives.
Hartung recroise le chemin d’Anna-Eva Bergman en 1952. Ils reprennent leur relation, se remarient. D’abord installés dans leur atelier de la rue Gauguet à Paris, ils font le projet de concevoir sur la Côte d’Azur une villa-atelier où chacun pourrait travailler dans un espace parfaitement adapté à ses besoins. En 1973, après cinq ans de construction, le couple s’installe au « Champ des Oliviers », à Antibes.
Hartung est élu en 1977 à l'Académie des Beaux-Arts et le Centre Pompidou organise une exposition itinérante de ses gravures et lithographies. Un timbre-poste reproduisant l'une de ses peintures est émis en 1980. À cette occasion, le musée de la Poste présente les tapisseries et gravures sur bois de Hartung et d'Anna-Eva Bergman. Hartung est en 1981 le premier peintre à recevoir le prix Kokoschka créé par le gouvernement autrichien. Hartung se voit consacrer en 1982 une salle personnelle permanente à la Staatsgalerie Moderner Kunst de Munich. Le Conseil Régional Provence Côte d’Azur inaugure en 1983 au musée Picasso d'Antibes une exposition de ses photographies. En 1989, il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur. Dans les dernières années de sa vie, Hartung va peindre au pistolet à peinture, ce qui lui permit de faire plus trois cents toiles l'année de sa mort, en 1989.
L’atelier d’Anna Eva Bergman (1909-1987)
Il réunit plusieurs époques qui montrent l’évolution de l’artiste au cours des ans. “La ligne est le squelette indispensable de la peinture. Mais pourquoi, faut-il donc que la ligne soit utilisée à dessiner des contours ? Le rythme n’est-il pas beaucoup plus important ? Le contour n’existe pas, il n’existe que le passage à autre chose – de la lumière à l’obscurité – de la couleur à la couleur. Le contour est une limitation et une peinture est un monde en soi sans autre limite que l’extérieur de son cadre.”
Un style proche de la caricature
Dans la période d’avant-guerre, l’œuvre d’Anna-Eva Bergman est encore exclusivement figurative. Les dessins qu’elle fait à partir de 1929, à la limite de la caricature, donnent une image piquante du milieu bourgeois de son époque. Son style, au début de cette période, est très marqué alors par les artistes de l’école allemande de la « neue Sachlichkeit », comme Georg Gross et Otto Dix, à la différence qu’elle aborde ses personnages sous un angle moins dur, plus humoriste et satyrique. Ensuite, son trait dans ses illustrations sera très différent de celui des dessins du début des années 30 : Elle travaille en un seul trait, légers, simples, parfois rehaussés de couleurs primaires. Elle illustre en 1938 dans ce même style si vif le livre de cuisine Casseroles qu’elle écrit en Espagne sans réussir à le publier. Par la suite, les tableaux de Minorque annoncent les « formes claires » qu’elle peindra : murs, miroirs, falaises. Pour l’instant, elle utilise les murs et les façades comme prétextes à la représentation de surfaces géométriques. La clarté dans ses dessins et ses peintures est le trait commun de son art avant et après-guerre.
Elle quitte Hartung en 1937, ils se remarieront vingt ans plus tard.
Son retour en Norvège en 1939 sera le tournant le plus décisif de toute sa vie créatrice et doit être considérée comme une véritable métamorphose. Elle a maintenant une perception très différente d’elle-même et de son art à la suite d’une période de lectures intenses et approfondies sur l’art et l’architecture, la philosophie et l’histoire des religions. Encouragée par Christian Lange, elle a fait des recherches en mathématiques, en géométrie, sur la section d’or, et elle a appris une nouvelle technique « très ancienne » (la dorure à la feuille). Au cours de l’été 1950, elle fait un voyage en bateau le long de la côte norvégienne, au cours duquel elle visite les îles Lofoten, le Finnmark et les villes principales de la Norvège du Nord. La structure des rochers se fond dans son abstraction, et son style s’affermit de cette sorte de « retour à la nature ». Les tableaux de la série « Fragments d’une île en Norvège » sont une transition capitale vers l’œuvre de sa maturité. C’est à Paris, en 1952, que la pierre – la première, polie par l’eau – apparaît dans un grand nombre de croquis à l’aquarelle, à la gouache ou au lavis. Au départ, c’est une pierre toute simple qui remplit toute la feuille. Monumentale par la forme, avec une indication de volume dans la modulation de la couleur gris-brun. Par la suite, des combinaisons de plusieurs pierres sont ordonnées sur la feuille ou la toile en groupes rythmiques. Peu à peu, les pierres se transforment, de nouveaux motifs apparaissent entre 1953 et 1955. Certaines pierres prennent la forme d’arbres, de griffes, ou encore de corps célestes. Un trait commun à ces formes est leur lourdeur monolithique, monumentale, et le fait qu’elles sont isolées. On dirait qu’elle a emporté avec elle une sorte d’essence de son pays, sous la forme d’archétypes, surtout des paysages tels que montagnes, fjords, glaciers, lacs, chutes d’eau, falaises. Les feuilles de métal, qu’elle applique sur la toile avec sa technique très particulière, donnent à sa palette lumière et couleur.