Le musée Rodin à Paris
Le jardin des sculptures
Le jardin des sculptures, d'une superficie de trois hectares, se partage entre une roseraie, au nord de l’hôtel Biron, et un grand parterre, au sud, tandis qu'au fond du jardin, terminant la perspective, une terrasse et une charmille adossée à un treillage dissimulent un espace de repos. Le treillage percé de trois ouvertures fait écho au rythme ternaire et aux proportions des baies de l'avant corps de la façade sud de l'hôtel Biron. À l'occasion de la rénovation du jardin en 1993, deux parcours thématiques ont été conçus à l'est et à l'ouest : le "Jardin d'Orphée" où végétation et rocaille s'entremêlent comme prélude à la découverte de l'œuvre de Rodin Orphée implorant les dieux, et le "Jardin des Sources", dont les sentiers sinueux, jalonnés de points d'eau, forment autant d'entités autonomes et singulières.
De nombreuses œuvres de Rodin, parmi lesquelles Les Bourgeois de Calais, La Porte de l'Enfer, ou encore Le Penseur prennent aujourd'hui place dans le jardin de sculptures. Cette utilisation des espaces naturels comme écrin à la sculpture renoue avec les pratiques du maître, qui, dès 1908, avait fait installer dans ce jardin sauvage certaines de ses œuvres, mais aussi des antiques appartenant à sa collection.
La galerie des marbres
La galerie des marbres a été conçue en 1971 comme une réserve ouverte, afin de présenter un plus grand nombre d’œuvres sur le site du musée. Elle est située sur un des côtés du jardin. Ces sculptures ne sont pas achevées, d’autres présentent les traces du non finito cher à l’artiste. Elles ont été taillées, d’après les modèles de Rodin et sous sa direction, par des sculpteurs plus jeunes ou moins talentueux, appelés praticiens, dans la tradition des grands ateliers de sculpture, et offrent une grande diversité de sujets : portraits, monuments ou thèmes mythologiques.
Rodin et Van Gogh
"Si nous aimons ces peintres, malgré leur maladresse évidente, c’est parce qu’ils regardèrent la nature avec des yeux absolument neufs dont aucune règle d’école, aucun idéal de convention, aucune forme apprise n’avaient encore adultéré la vision. C’est le même mérite que nous trouvons chez Van Gogh. Il néglige toutes les recettes académiques, il ignore la manière de confectionner un tableau comme un plat ou comme une sauce suivant les indications d’un livre de cuisine. Il se place naïvement devant la nature et cherche à la traduire. Auguste Rodin
Rodin était un admirateur de nombreux écrivains, il a réalisé le portrait de bon nombre d’entre eux : Victor Hugo, Octave Mirbeau, Henry Becque, Anna de Noailles, George Bernard Shaw, Gustave Geffroy, Balzac... Le Musée Rodin conserve près de 2000 ouvrages reçus par Rodin et dédicacés par leurs auteurs (Robert de Montesquiou, Rainer Maria Rilke...), qui constituent, en retour, autant de témoignages de l’admiration que nombre d’écrivains et de poètes contemporains de Rodin portent à son œuvre.
Ainsi, Alphonse Daudet, ami de Rodin depuis la fin des années 1880, le présente à Jules Renard en 1891, en l’emmenant rue de l’Université. Après avoir vu les sculptures qui y sont rassemblée, l’auteur des Histoires naturelles et des Bucoliques note ces remarques enthousiastes : "Seigneur, faites que j’ai la force d’admirer toutes ces choses ! Chez Rodin, il m’a semblé que mes yeux tout d’un coup éclataient. Jusqu’ici la sculpture m’avait intéressé comme un travail dans du navet. Écrire à la manière dont Rodin sculpte." (Jules Renard, Journal, 1887-1910 (1925)
Les sculptures marquantes
Le premier monument d’envergure nationale achevé et inauguré par Rodin — en 1895 seulement — sera installé hors de Paris. Il s’agit du Monument aux Bourgeois de Calais, commandé par la municipalité en 1884 (lien vers notice de l’œuvre). Rodin opte rapidement pour une structure cubique, et non pyramidale, comme il est d’usage pour les monuments aux morts — et organise ses figures en une procession en spirale. Il réfléchit sur le type de socle et sur sa hauteur, et retient en 1893 une base presque plate. Le groupe de six figures rompt avec le modèle « héroïque », et s’attache, à travers les attitudes du corps et les expressions des visages, à retranscrire les états émotionnels et psychologiques de chacun des protagonistes, offrant une vision pathétique et humaine d’une absolue nouveauté. Tous les choix de Rodin font l’objet de discussions nourries avec la Municipalité de Calais, dont les représentants sont déstabilisés par le caractère non conventionnel du monument. Rodin parvient à faire respecter l’ensemble de ses décisions plastiques concernant le groupe lui-même, tout en concédant son installation sur un socle de hauteur moyenne, ainsi qu’il l’écrit à Omer Dewavrin, maire de Calais, en 1893 :
« J’avais pensé que placé très bas le groupe devenait plus familier et faisait entrer le public mieux dans l’aspect de la misère et du sacrifice, du drame, dis-je. Il peut se faire que je me trompe car je ne juge jamais que lorsque mon œil a vu les choses en place. Dans l’incertitude je me rapporte à la commission dont vous êtes président. Tel que votre croquis me montre le monument, il me semble qu’il se découpera sur le ciel ayant à sa droite l’hôtel des postes, et à sa gauche le square, ce serait bien ; beaucoup mieux que s’il se trouvait devant les arbres du jardin ; dans ce cas il ne se profilerait pas, et je retournerai à mon idée de l’avoir très bas pour laisser au public pénétrer au cœur du sujet, comme dans les mises au tombeau d’églises ou le groupe est presque par terre. »
La Porte de l’enfer, demeure inachevée à la mort de Rodin. C’est Léonce Bénédite, premier conservateur du Musée Rodin, qui est à l’origine de la fonte du premier bronze en 1928. Sur la base des sources photographiques, et avec l’accord de Rodin obtenu en 1917, il reconstitue l’état le plus abouti de La Porte avec ses figures et remonte les reliefs. Le plâtre est, depuis lors, entré dans collections du Musée d’Orsay, tandis qu’un tirage en bronze se dresse à l’est de la cour d’honneur de l’Hôtel Biron, et que le plâtre « nu » de 1900 demeure à Meudon, dans le « musée » construit en 1930.
La Porte de Rodin — impossible à ouvrir, orpheline de son bâtiment de destination, et inachevée — occupe pourtant une place centrale dans la carrière artistique de Rodin, tant pour les moyens matériels et la reconnaissance publique qu’elle lui a apportés, que sur le plan de son processus de création.
Les raisons d'une visite
Depuis 1919, ce musée n'avait pas été restauré. Après trois ans de travaux, la splendeur de l'hôtel Biron, met en valeur et rend pleinement hommage au sculpteur. Les statues mettent en vue leur volume sur un fond vert céladon. Ce musée s'autofinance à 50% par la vente de tirages de bronze, de location d'espaces privatisés, les ventes du magasin. Le parc est un havre de paix, avec sa verdure et ses bassins.