Ernest Pignon Ernest au MAMAC de Nice
Nice rend un hommage à un artiste né ici en 1942 avec une mise en scène de ses œuvres très réussie. Un parcours complet et varié met en lumière l’immensité d’un travail déployé entièrement au service de l’homme.
Toute une époque est ainsi évoquée par des regroupements de thèmes nous restituant nombre d’aspects quelquefois oubliés mais toujours présents. C’est ainsi que la martyrologie de nos vie est restituée dans les salles et alvéoles centrées sur des sujets précis. Sans pouvoir en faire une recension intégrale, voici les aspects principaux de cette exposition telle que nous l’avons ressentie.
Les aspects picturaux et le dessin classique sont largement présents regroupant des esquisses, des carnets de dessin, des études diverses, dont le classicisme est évident. C’est ainsi que la peste à Naples et le Sida à Soweto se font pendant, donnant prétexte à des corps portés ou suspendus. La violence propre à notre époque fait l’objet d’évocations : solitude du prisonnier, violence dans la cité avec scène de bagarre, violence sociale avec la rénovation urbaine et ses expulsions, violence contre les femmes avec l’avortement qui les tue.
La Commune et la semaine sanglante sont l’objet d’une dénonciation sur les marches même du Sacré Cœur, construit par les Versaillais. Des sérigraphies sont apposées sur les pavés de Paris en 1971, anniversaire de la Commune. Nous apprenons le jumelage de la ville de Nice et de la ville du Cap lors de la période de la pire ségrégation raciale. Une famille noire sera apposée sur les murs de la ville de Nice. Pignon ira sur place pour cette raison mais y trouvera l’extension du Sida, qui lui donnera l’occasion de réaliser un rapprochement spatial avec Naples.
L’assassinat de Pasolini et la mort de Mahmoud Darwich sont l’occasion de placarder nombre de sérigraphies sur les murs des villes, comme autant de manifestes. D’ailleurs l’éparpillement de certaines sur les nouvelles friches industrielles ou du côté de Fos où se développe la pétrochimie, donne une force à ces affiches, relevant la médiocrité des lieux mis ainsi en lumière.
Les aspects psychologiques ne sont pas oubliés avec la mise en scène des cabines téléphoniques où les personnes censées communiquées sont décrites comme des égarés. Les éclairages rendent encore plus triste cette sensation d’isolement, avec la couleur des feux de circulation et des noms d’illustres inconnus dénommant les rues.
La Commune, l'avortement, l'apartheid dénoncé à Nice,le sida, l'isolement carcéral font l'objet de sérigraphies multiples incorporées au paysage urbain
Les voyages
Ils sont l’occasion de découvrir d’autres lieux et d’autres problèmes. Une commande à Anvers, donne une réflexion sur Rubens, dont des tableaux seront accrochés sur certaines façades. Une visite à Cuba permet d’orner des façades et de trouver dans une église en réfection des éléments de décors qui seront installés à l’extérieur. Une visite à Martigues montre une famille de pêcheurs qui sera l’objet de sérigraphies.
En Afrique du Sud, après de nombreuses rencontres dans les hôpitaux, les dispensaires, les crèches et en liaison avec les associations, Pignon-Ernest a élaboré une image faisant un parallèle entre la lutte contre le sida et celle contre l'apartheid, en se référant à la photographie de Sam Nzima représentant un homme portant le corps d'Hector Pieterson, un écolier tué pendant les émeutes de Soweto. Sérigraphiée sur place à plusieurs centaines d'exemplaires, il l'a collée, accompagné des habitants, sur les murs des quartiers particulièrement touchés
Le voyage spatio-temporel est aussi utilisé pour réaliser des rencontres improbables dans des lieux, telle la ville de Naples, où se superposent des mythologies grecques, romaines, chrétiennes.
La création de la force de frappe nucléaire au plateau d’Albion sera une occasion de dénoncer la guerre atomique avec la photo d’empreintes de corps soufflés par l’explosion à Hiroshima.
Enfin, une section est consacrée à la proximité de l’artiste avec les poètes : Rimbaud, Neruda, Desnos, Nerval, Genet, Artaud. Avec ces intellectuels irréductibles et non conformistes, Pignon reste en bonne compagnie, pour défendre les martyrs actuels.