Samouraï : de la guerre à la voie des arts
Exposition du 8 juillet 2017 au 7 janvier 2018
Les amis des musées de Nice ont organisé le 20 novembre une visite de la nouvelle exposition temporaire. Ils ont eu le privilège d’écouter les explications données par Madame Karine Valensi sur une collection consacrée aux guerriers Samouraï. L’évolution historique de ces hommes devenus une aristocratie intellectuelle est fidèlement retracée par l’intitulé même de l’exposition : de la guerre à la voie des arts.
Pendant plus de sept cents ans, la classe des samouraïs a dominé le Japon. Tour à tour soldats aguerris, fidèles à leur seigneur dans des temps instables voués à la guerre, puis au XVIIe siècle avec la paix retrouvée, nouveaux nobles dont les fonctions deviennent plus administratives que militaires, les samouraïs se sont transformés tout en gardant les valeurs fondamentales de leurs origines.
Guerriers, en tout premier lieu, comme le montrent les magnifiques armures, casques, masques et sabres de la remarquable collection Greg Riffi qui est le pilier de cette exposition, les samouraïs sont guidés dans leur vie par un code de l’honneur le bushido qui énonce les principes moraux auxquels ils doivent obéir : loyauté, honneur, courage, droiture, sincérité, respect et bienveillance. Esthètes et lettrés, ils pratiquent aussi la calligraphie, participent à la cérémonie du thé, s’essaient brillamment à la poésie et aux jeux sophistiqués de l’encens.
L’exposition présente une très riche collection d’armures dont il faut expliquer l’évolution. Pendant les guerres féodales, les armures s’adaptent à l’archerie montée. Elles sont faites de rangées d’écailles assemblées avec des lacets de soie de manière à se chevaucher. Afin de réduire leur poids, la plupart des écailles sont en cuir, seules les parties du corps les plus vulnérables sont couvertes d’écailles de fer. Le style d’armure correspondant au rang du samouraï, par opposition au simple soldat d’infanterie, est l’ô-yoroi (grande armure), richement décorée. Elle comprend un casque kabuto dont le timbre en fer ou hachi est constitué de plusieurs plaques triangulaires assemblées à l’aide de rivets. Avec l’abandon du combat à l’arc monté, au profit du combat au sol, apparaît l’armure dômaru, à laquelle on rajoute ou modifie des éléments, de manière à améliorer la protection du corps. Les écailles sont remplacées au début du XVIe siècle par des lames métalliques horizontales, assemblées entre elles par laçage (mogami-dô). A l’époque de Momoyama (1573-1603), avec l’apparition de nouvelles armes, comme la lance (yari), le fauchard (naginata) et surtout l’arme à feu (teppô) introduite par les Portugais en 1543, une protection encore supérieure s’avère nécessaire. Celle-ci est apportée par le style de cuirasse okegawa, à plaques verticales ou horizontales rivetées, qui évolue vers une seule grande plaque de métal.
En temps de paix, l’armure devient un objet d’ostentation et de parade. Prédominent alors l’élégance des formes, le soin de l’ouvrage, la richesse des matières, des décors, et l’abondance des symboles religieux.
La voie des arts complète l’exposition en présentant nombre d’estampes et d’objets. Les habits, les coffrets laqués, les nécessaires de beauté, sont disséminés dans la dernière salle. Au milieu de cette grande salle, un palanquin montre ses décors laqués et son intérieur décoré, dominé par le bois recourbé destiné au portage.
En 1192, Yoritomo, le chef du clan des Minamoto fondé au IXe siècle par un prince de sang impérial, reçoit le titre de sei-i-tai-shogun, « grand commandant militaire pour la soumission des barbares ». Cette promotion inaugure le shogunat, système dans lequel l'empereur n'a plus qu'une autorité symbolique, l'aristocratie militaire exerçant la réalité du pouvoir. Cet événement reflète l'évolution politique et sociale du Japon. La seconde moitié du XIIe siècle est en effet marquée par la montée en puissance des guerriers, utilisés pour lutter contre les insurrections de « barbares » qui se multiplient dans le nord de Honshu. La militarisation de la société et de l'aristocratie se traduit au plus haut niveau par la rivalité croissante entre les grands clans de l'empire. C'est dans ces circonstances que les Minamoto écrasent, en 1185, les Taira, leurs principaux rivaux, lors de la bataille navale de Dan- no-Ura. Yoritomo réunifie ainsi le Japon ; il installe à Kamakura son gouvernement seigneurial, qui prend bientôt le nom de bakufu (« siège de la tente »).
Se met alors en place un système féodal, marqué par les liens d'homme à homme et par le développement du code d'honneur des samouraïs. Le quinzième et dernier shogun démissionne en 1867. Cette évolution suit celle de la Révolution Française où les privilèges sont abolis. Mais l’origine de la fin de castes destinées à protéger la population réside dans la possibilité donnée à chacun de pouvoir utiliser des armes. La conscription massive achève une évolution universelle où chaque citoyen peut défendre « sa peau ».
Le démantèlement de l'ordre féodal
Les dirigeants Meiji (1868-1912) commencent par démanteler l'ordre féodal, en abolissant la noblesse et en fondant la promotion sociale sur le mérite et non sur l'hérédité. Un système proche des monarchies constitutionnelles européennes se met en place. La construction d'une nation japonaise forte, économiquement et militairement, indépendante des puissances occidentales, constitue la priorité absolue des gouvernants. Dès lors, la mise en place d'un appareil industriel complet s'impose, mais celle-ci nécessite l'accès à une abondante masse de capitaux. Lorsque le pays passe du féodalisme à la modernité, le but de rattraper l'Occident soude la population dans un effort collectif, matérialisé par le décollage économique et le développement de la scolarité.