Botero-Vasarely : une journée à Aix avec les Amis des Musées
Une nouvelle fois, l’association des Amis des musées de Nice nous a programmé une magnifique journée de visites à Aix en Provence. La matinée était entièrement consacrée à la visite de l’exposition Botero, puis à la visite de la Fondation Vasarely, l’après-midi. Un repas à l’Auberge Provençale donnait de la chair à ces visites, d’autant plus que Botero avec ses formes enveloppées nous avait préparé subtilement le terrain. C’est une fois encore Madame Martine Pellissier qui a accompagné nos découvertes de commentaires avec une préparation pendant le trajet de l’autocar.
Du 24 novembre 2017 au 11 mars 2018 à l’Hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence, l’exposition Botero, dialogue avec Picasso présentait la riche production du maître colombien sous un angle inédit qui explore ses affinités artistiques avec Pablo Picasso. À la soixantaine de tableaux de Botero (huiles, sur papier, sculptures) font écho une vingtaine d’œuvres majeures de Picasso, issues notamment des collections du Musée national Picasso-Paris et du Museu Picasso de Barcelone.
Cette exposition étant terminée, le présent article a pour objet de montrer ce que nous avons pu voir, dans ce majestueux musée, objet de plusieurs vidéos. En effet, l’écrin de ce musée mérite d’être fréquenté en utilisant la cafeteria-restaurant implantée dans un décor princier. Le parc des jardins à la française mérite aussi un coup d’œil.
Malgré des origines éloignées, des histoires et des trajectoires différentes, ces deux grands artistes partagent des références géographiques et culturelles communes. Dès sa jeunesse, Fernando Botero (né en 1932) a observé le travail de Pablo Picasso (1881-1973), dont il admire la riche palette, la monumentalité et la sensualité des volumes. Mais Botero admire plus encore le « non conformisme » de Picasso. Chez les deux artistes, la déformation des corps et des volumes correspond à un regard résolument subjectif sur la réalité. Elle traduit aussi une posture radicalement moderne dans l’histoire de la figuration, à l’origine chez chacun d’entre eux d’un langage artistique inimitable.
Les carrières de Botero et de Picasso sont traversées par des interrogations majeures sur la peinture et sur l’art. À l’Hôtel de Caumont, l’exposition Botero, dialogue avec Picasso propose de parcourir de salle en salle des thématiques telles qu’ils se les sont appropriées :
- Le portrait et l’autoportrait
- Les appropriations de l’histoire de l’art
- La nature morte
- Le nu
- L’artiste face aux grands événements historiques et politiques
- La corrida
- Le monde du cirque
- La musique et la danse
Nous avons apprécié
Un numéro spécial de « Connaissance des arts » est entièrement consacré à cette exposition. Pour cette raison nos commentaires se concentrent sur des aspects marquants.
De la copie à la version
« Dans une copie, on se limite à regarder attentivement une œuvre, alors qu’une « version » naît de l’admiration pour une œuvre de laquelle on veut apprendre, mais en même temps prouver que l’on peut faire, à travers son propre style, quelque chose de différent et personnel. » Botero
Une large section de peintures montre les hommages de Botero aux artistes de toutes les époques. Il s’agit, parfois, des artistes que Picasso a également étudiés, comme Velázquez, Ingres ou Cranach. Dans tous les cas, ce ne sont pas de simples copies mais de véritables appropriations : chez les deux artistes, la connaissance approfondie des maîtres du passé permet de développer son propre langage original.
Les versions ici présentées intègrent en conséquence la mémoire du tableau originel tout en l’investissant de la vision propre à l’artiste. Botero et Picasso en donnent des images dans leur style très personnel et inimitable…
Un art de la sensualité
« La sensualité est une vertu de la peinture. Quelqu’un dit que la peinture doit être comestible, c’est-à-dire qu’elle donne envie d’être mangée. » Botero
Comme la nature morte, le nu féminin est un genre auquel Botero revient de manière constante et répétée tout au long de sa carrière, notamment lorsqu’il ressent le besoin de se ressourcer aux valeurs fondamentales de la peinture. Car, comme tout peintre, il sait que les formes les plus ordinaires sont aussi les plus longues à sonder et les plus difficiles à représenter. Une femme à sa toilette résume son style : l’énormité du corps réduit les autres éléments de la salle de bain. Mais n’est-ce pas notre vision propre qui modifie nos perceptions, l’expansion de la libido psychique du spectateur y est décrite par Botero. Il nous rend voyeurs et spectateurs de sa description.
L’artiste et l’histoire
« L’art n’a pas le pouvoir de produire des changements sociaux ou politiques. En revanche, il a le pouvoir de perpétuer dans le temps la mémoire d’un événement. Le monde se souvient du bombardement de Guernica pendant la guerre civile espagnole parce que Picasso l’a peint. La même chose s’est produite avec les exécutions du 2 mai, peintes par Goya. L’art est un témoignage qui dure dans le temps et dans la mémoire collective. » Botero
Artistes du XXe siècle, ayant vécu l’histoire de leurs pays respectifs, Botero et Picasso se sont tous les deux attachés à la représentation de l’actualité politique et sociale, y compris dans ses moments les plus dramatiques. Chez les deux artistes, le thème de la violence entraîne une étude approfondie de la déformation des visages et de l’explosion des formes. Des dictatures sud-américaines du siècle dernier aux assassinats de rue en Colombie en passant par les tremblements de terre, Botero est le spectateur attentif des drames de son époque, persuadé de sa responsabilité, en tant qu’artiste, d’être un homme de son temps. Les deux tableaux présentés montrent l’horreur de la guerre de Corée vue par Picasso dans une réalité ou femmes et enfants sont traités en ennemis. Botero lui, consacre un tableau à un massacre intervenu à 21h15 (heure de la pendule du bas du tableau), lié à un trafic quelconque. Les corps démembrés et la destruction-dispersion des objets de la pièce signent la violence d’un fait-divers devenu habituel.
« Lorsqu’on peint, on doit soigner, être utile avec les couleurs. De quelque manière c’est un
geste d’amour. À travers la peinture, la haine se transforme en amour », dira encore Botero.
Nous y étions allés récemment, mais cette nouvelle visite intègre la restauration de salles, que nous n’avions pas pu voir précédemment.
L’architecture de la Fondation est dite architectonique, c'est-à-dire que l’art y est intégré à l’architecture. Les façades extérieures sont en aluminium anodisé, présentant en alternance un grand rond noir sur fond argent et un grand rond argent sur fond noir.
L’intérieur de la Fondation Vasarely se compose de 16 alvéoles hexagonales juxtaposées formant un ensemble de 90 mètres de long, 45 mètres de large et 12 mètres de haut.
La dimension des toiles exposées mérite le voyage car elles dominent le visiteur. Leur dimension nous écrase littéralement tout en nous permettant d’admirer les messages délivrés par Vasarely. Nous entrons dans les perspectives, absorbés par l’impulsion des mouvements géométriques, par les déformations subies par des simples carrés ou ronds. La recherche d’un langage coloré universel où la présence de soleils et de lointains en noir et blanc montre une grande diversité dans les recherches de l’artiste.
Dans ce cadre rénové avec un éclairage naturel zénithal, la dimension écrase le visiteur. La Fondation est un écran total qui relègue les expositions ordinaires à un passé désuet. Vasarely est à l’image du monde contemporain, en avance sur son époque, digne d’affronter les nouvelles dimensions architecturées du paysage urbain.