Pau : un paysage d’exception
A Pau le carnaval reporté de février en juin 2022 a désorganisé notre visite. Vous en trouverez une trace dans notre vidéo.
Toutefois notre visite nous a permis de voir le Château et le boulevard des Pyrénées, les deux ensembles qui dominent la ville et lui donnent sa véritable physionomie. Comme à chacune de nos promenades, nous traitons les aspects les plus emblématiques d’une ville, car pour les touristes il y a wikipédia qui comble toutes les demandes.
C’est le 19e siècle et son opulence aristocratique qui donne son élégance à la ville. On admire encore le boulevard des Pyrénées et ses somptueuses villas aux styles très nuancés.
Le temps a passé, Pau Pyrénées s’est modernisée tout en gardant son identité. Les rues témoignent de leur prestigieux passé. Les hommes et femmes du territoire nous livrent leurs savoir-faire singuliers. À Pau, les pics des Pyrénées n’hésitent pas à s’inviter en centre-ville.
La Ville de Pau a développé un urbanisme spécifique dans la ville haute pour mettre en scène un paysage d’exception : le panorama sur la chaîne des Pyrénées. Juché sur son éperon rocheux, la ville de Pau domine la plaine du Gave. La vocation défensive du site originel centré sur le château fort dès la fin du Xe siècle s’efface progressivement à partir du XVe siècle, quand la cour de Navarre fait de Pau sa résidence principale. À l’heure de la Renaissance, sous l’impulsion des Albret, le domaine royal va profondément se métamorphoser pour devenir un jardin digne de ses rois … Le château va ouvrir généreusement sa façade sud pour profiter pleinement de la vue sur les Pyrénées, majestueuses au lointain. Ce moment est fondateur pour Pau à double titre : il implante une tradition de l’art des jardins qui va profondément marquer le développement urbain de la ville dont il révèle le paysage.
Longtemps Pau reste une petite bourgade campée sur son promontoire dominant le Gave et le Hédas. Quelques jardins privatifs ponctuaient l’espace urbain mais seul le domaine du château offrait un vaste lieu de verdure et de promenade. Le coteau sud était alors un talus empierré et herbeux, jouant son rôle de rempart naturel.
La grandeur des paysages montagnards vus depuis Pau est célébrée au début du XIXe siècle sous l’influence romantique du voyage aux Pyrénées. Ils deviennent aussi sublimes qu’ils pouvaient être effrayants et s’imposent comme un véritable atout. Dans le même temps, ce point de vue resplendissant étonne plusieurs voyageurs, notamment britanniques, dont les récits attireront la société mondaine européenne et américaine dans la seconde moitié du XIXe siècle.
À l’époque, Pau se découvre une vocation touristique de ville climatique en accueillant une clientèle de plus en plus nombreuse de riches hivernants étrangers. Un nouvel art de vivre impose ses conceptions de recherche de grand air et de beaux paysages, provoquant le retournement de la ville vers le sud et la conquête de son panorama sur les Pyrénées
L’esprit du boulevard
Le projet d’aménager toute la longueur du coteau sud du site de Pau est énoncée dès le début du XIXe siècle. Non sans que cela soulève des oppositions et provoque de nombreux combats politiques, les maires successifs de la ville à partir des années 1850 font preuve d’un volontarisme sans faille, guidés par l’ambition d’améliorer Pau pour l’accueil des étrangers
en créant des jardins et des squares. L’idée d’une grande promenade face aux Pyrénées domine tout le XIXe siècle : elle guide la réalisation du boulevard du Midi entre 1854 et 1871 qui relie le parc du château à la place Royale, l’agrandissement de cette dernière et l’aménagement de sa partie sud-est appelée « Petite Provence », ou encore l’achat de la propriété de Noailles, l’actuel parc Beaumont.
Sa configuration actuelle est née de la permanence d’une vision, celle de la promenade urbaine, et de l’expertise d’un ingénieur, Jean-Charles Alphand. Léon Say, député de la première circonscription paloise, est séduit par les réalisations de l’ingénieur parisien qui œuvre alors à la modernisation de la capitale et le sollicite pour venir réaliser une mission à Pau. En 1891, dans son Rapport sur les embellissements et les améliorations à réaliser dans la ville de Pau, Jean-Charles Alphand écrit : « Il manque à Pau la promenade des Anglais de Nice ». Avec l’appui de M. Laforcade, jardinier en chef de son équipe parisienne, ils dessinent une promenade depuis la plaine de Billère jusqu’au parc Beaumont et imaginent les espaces verts qui le ponctuent. La réalisation du boulevard des Pyrénées achève ainsi de donner corps à un esprit qui incarne le dialogue d’une ville avec son paysage.
Sa construction entre 1894 et 1899 est une véritable prouesse technique pour l’époque. La plateforme de la promenade repose pour une moitié sur le rebord du plateau de la falaise qui domine le Gave et pour l’autre sur un viaduc porté par 49 piles. La première tranche sera réalisée entre la place Royale et le parc Beaumont. À partir de 1898, les travaux se poursuivent vers le château à l’ouest : cette portion possède la particularité d’être construite en avant du vieux boulevard du Midi qui dès lors disparaît. En 1900, la jonction des deux sections au sud de la place Royale achève l’ensemble.
Emblématique témoin de la fièvre de construction qui s’empara de la ville à partir des années 1840, le boulevard des Pyrénées met en scène le génie du lieu en dépassant la contrainte géographique du site et installe Pau dans son statut de « ville belvédère ».
Les différents jardins mis en évidence dans les séquences paysagères au fil du boulevard font face aux horizons lointains. Ce désir d’ouverture vers les Pyrénées est un bouleversement dans la façon de penser l’espace bâti, naturel et urbain. Il a très certainement contribué à impulser un urbanisme original à Pau, entre nature et culture. Plus encore, dans ce jeu de regards, des villas somptueuses sont construites sur les coteaux face à la ville. Le paysage est ainsi progressivement construit, aménagé et mis en scène pour pouvoir être admiré. Ce dialogue fait l’essence du panorama contemplé depuis Pau et lui donne tout son sens.
Le boulevard des Pyrénées, belvédère qui en autorise la contemplation, est un site classé depuis 1921. Depuis 1944, cette vue qui accroche les regards est elle aussi protégée au titre des sites inscrits ou classés, sous le nom d’Horizons Palois. L’appellation rassemble et protège 17 sites composant le paysage d’ensemble admiré depuis Pau. Au premier plan, le gave et ses saligues, au second, les coteaux parsemés de vignes, de bois et de villas, et en toile de fond, les Pyrénées, forment ce tableau unique à préserver. Ces protections témoignent de l’attention à porter à ces héritages, passé qui s’impose de nos jours comme autant de ressources de notre cadre de vie présent et à venir.