Nice et ses fleurs au musée Masséna
Une exposition temporaire au musée Masséna vient rappeler les liens de la ville avec les fleurs. Chacune des salles est consacrée à un aspect des fleurs en décoration, en affiches, en tapisserie, en poterie. Les fêtes de la ville avec son carnaval et ses batailles de fleurs y sont aussi évoquées.
Toutefois l’actualité du développement de la ville a réduit la présence des fleurs. Il y a de moins en moins d’exploitations sur les collines et de plus en plus de constructions. Un paysage de Bensa montre une ville concentrée sur la côte alors que toutes les collines sont aujourd’hui construites. Le marché aux fleurs du cours Saleya est de plus en plus réduit au profit d’immenses mangeoires qui grignotent voierie et étals de fleurs. D’autres marchés aux fleurs et d’autres villes font désormais mieux que la ville de Nice.
Une ville fleurie
Tout au long de sa longue histoire de ville de villégiature d’hiver, Nice veille à concilier son développement urbain avec la préservation de son identité de ville-jardin où les fleurs abondent. Dans la première moitié du XIXe siècle, les initiatives de la municipalité et de son Consiglio d’Ornato (Conseil d’Embellissement) y concourent avec la création d’un jardin public (actuel jardin Albert Ier) et la création du parc belvédère de la colline du Château. Les plans d’urbanisme ne cessent ensuite de prescrire la plantation des avenues, la création de squares et l’aménagement de marges de recul végétalisées devant les immeubles. L’urbanisation des collines préserve de vastes jardins privés qui entourent les villas, les hôtels et les lieux de cultes étrangers comme la cathédrale orthodoxe russe. Le poète Théodore de Banville, dans son recueil, La Mer de Nice, publié en 1860, décrit ainsi la cité : « À Nice, la campagne est dans la ville et la ville dans la campagne ; les jardins de palmiers et d’orangers, écrasés de parfums et noyés de fleurs, étalent leur gloire au milieu des quartiers habités… ». L’actuelle municipalité s’attache à la préservation de ces caractéristiques du paysage niçois comme en témoignent plusieurs récents programmes dont celui de la recréation d’une Promenade du Paillon, vaste jardin qui recouvrira à terme 20 hectares en centre-ville.
Le fleurissement de l’architecture et des décors
Les fleurs constituent l’un des motifs le plus constant de l’histoire de l’architecture et des arts décoratifs. En se réclamant du Moyen Âge, le grand théoricien de l’architecture que fut Viollet le Duc ne préconise-t-il pas le recours à la flore locale pour la décoration des édifices ? L’industrialisation de la fabrication d’éléments de décor en métal ou en céramique va permettre, au XIXe siècle, grâce à la publication de catalogues, de diffuser des modèles décoratifs floraux dans l’Europe tout entière. L’intense activité niçoise de construction de villas et d’immeubles locatifs d’agrément empruntera à ces catalogues, comme elle se servira du savoir-faire des artisans italiens – peintres, sculpteurs, mosaïstes, fresquistes – nombreux dans la ville. Ce fleurissement minéral sera souligné par le choix de noms de fleurs pour la dénomination de centaines de villas et propriétés d’agrément, ainsi que celle de nombreuses voiries : l’avenue des Fleurs, des Mimosas, des Magnolias, ou encore la rue des Œillets…
Un art de vivre fleuri
De la même façon que les fleurs envahissent les façades des immeubles, elles sont omniprésentes dans les arts décoratifs – papiers peints, tissus, ornements des meubles et des objets – au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Raoul Dufy, né au Havre mais ayant fait de Nice une de ses terres d’élection, à la suite de son mariage, en 1911, avec une modiste niçoise qu’il a peinte en 1930 vêtue d’une robe fleurie, n’a cessé de travailler sur le motif floral, pour son plaisir et pour des commandes comme celles du Mobilier national. Les manufactures de céramiques locales, celle des Massier à Vallauris et Golfe-Juan ou celle de Monaco, explorent les infinies ressources décoratives des fleurs. Des créateurs contemporains perpétuent cette tradition. C’est ainsi que William Amor confectionne de sensibles bouquets avec des fleurs dont les délicats pétales sont réalisés avec de vils matériaux en plastique de récupération.
Les fleurs, une industrie et un marché
La présence nombreuse, parmi les hivernants, d’étrangers, notamment anglais, mais aussi l’arrivée d’une abondante main-d’œuvre italienne ont contribué à dynamiser l’épanouissement d’une horticulture niçoise destinée à la fois à la production de fleurs de plantation et de fleurs coupées. Parmi les plus illustres promoteurs de cette activité, il faut citer Alphonse Karr, homme de lettres et horticulteur à la fois, qui ouvre, en 1857, un légendaire kiosque à fleurs près du jardin public. La Société nationale d’horticulture, créée en 1860, amplifie ce mouvement en organisant salons, foires, et expositions où des prix et récompenses sont remis aux producteurs et obtenteurs, ces spécialistes de l’obtention de nouvelles variétés d’œillets. Les producteurs, comme la famille Revelat, étendent leur activité, en plein champ et sous serres, dans les collines. Nice devient l’une des capitales de la production de fleurs. Leur marché constitue pour la ville un élément de dynamisme économique et un atout pour son image, auquel s’intéressent les peintres et les éditeurs de cartes postales. Pendant longtemps, le commerce de fleurs sera l’un des fleurons du MIN (Marché d’Intérêt National) crée en 1965. À partir des années 1970, la concurrence d’autres régions de production, en Europe d’abord puis en Afrique, voire en Amérique, ainsi que la pression immobilière, conduiront cependant au déclin de l’horticulture niçoise.
La bataille de fleurs, une fête niçoise
La première mention d’une bataille de fleurs à Nice date de 1876. Depuis cette date, ce spectacle de rue deviendra la caractéristique des festivités niçoises et un point fort de la saison, notamment lors du carnaval. La nouvelle manifestation s’impose, en France et à l’international, comme l’événement mondain de la Belle Époque et de l’entre-deux-guerres. De spectacle « participatif » auquel participent les villégiateurs dans leurs calèches et voitures, les batailles ensuite prennent la forme d’un spectacle organisé par la Ville. Nombreux sont les peintres qui en représentent l’exubérance, qui sert de thème à des affiches de promotion touristique. Le tondo d’Henri Gerveix, composition circulaire, est la maquette de la commande pour les plafonds du salon doré du buffet de la gare de Lyon à Paris, point de départ obligé des séjours sur la Côte d’Azur à la Belle Époque.