La Bourse de Commerce Pinault Collection
La Bourse de Commerce a été restaurée et transformée par l’architecte japonais Tadao Ando (TAAA – Tadao Ando Architect & Associates), l’agence NeM / Niney et Marca Architectes, l’agence Pierre-Antoine Gatier et Setec Bâtiment.
Commencé en juin 2017, ce grand chantier s’est achevé en mars 2020 après un peu plus de trois ans de travaux. S’en suit, depuis lors et jusqu’à la fin de l’année 2020, une période de levée des réserves, de finitions, d’aménagements techniques, mobiliers et muséographiques, tandis qu’à l ’extérieur du bâtiment sont conduits les travaux des abords du site, dont la Ville de Paris assure la maîtrise d’ouvrage. L’ouverture au public de la Bourse de Commerce est prévue au printemps 2021.
Le bâtiment de la Bourse de Commerce témoigne de quatre siècles de prouesses architecturales et techniques. Il associe la première colonne isolée de Paris, édifiée au 16e siècle pour l’hôtel de Catherine de Médicis, les vestiges d’une halle au blé à l’impressionnant plan circulaire du 18e siècle, couverte dès 1812 par une spectaculaire coupole de métal puis de verre. Il a été recomposé en 1889 pour devenir la « Bourse de Commerce ».
Situé au centre de Paris, dans le jardin des Halles et s’ouvrant sur la rue du Louvre, ce bâtiment est emblématique de l’histoire de Paris et de son architecture. Après une restauration exemplaire qui en a sauvegardé toutes les beautés, il se tourne désormais vers la création contemporaine.
« La Bourse de Commerce de Paris est remarquable à plusieurs titres. À travers les différentes strates historiques dont il témoigne, l’édifice constitue une œuvre iconoclaste. Son enveloppe témoigne ainsi de l’apport de chaque période : la colonne de l’ancien hôtel de Soissons (construite par l’architecte Jean Bullant pour Catherine de Médicis au 16e siècle), le plan circulaire et les façades intérieures de la première Halle au blé (édifiée par l’architecte Le Camus de Mézières entre 1763 et 1767), la coupole en fer, conçue par l’architecte François-Joseph Bélanger et l’ingénieur François Brunet entre 1806 et 1813, et enfin les façades extérieures, les couvertures, les aménagements intérieurs et les décors réalisés par l’architecte Henri Blondel, lors de la transformation de l’édifice en Bourse de Commerce, en 1889.
L’édifice ne constitue pas une simple superposition de ces strates historiques, mais plutôt une fusion des époques. Ainsi, lors de la transformation de la Halle au blé en Bourse de Commerce par Blondel en 1889, l’escalier à double révolution du Camus de Mézières est prolongé et intégré à un nouveau système de distribution moderne, tandis que la charpente métallique de Bélanger — une des plus grandes prouesses techniques du début du 19e siècle — est dotée d’une verrière et d’un décor peint.
De fait, la Bourse de Commerce constitue un manifeste de l’architecture parisienne des 16e, 18e et 19e siècles, reconnu par plusieurs degrés de protection : classement de la colonne de Médicis par liste de 1862, inscription en totalité par arrêté du 15 janvier 1975, la coupole et son décor étant classés par arrêté du 20 juin 1986. […]
La Halle au blé, une utopie circulaire
« Le programme de la Halle au blé est élaboré à partir de 1763 sur le terrain. Il s’inscrit dans une nouvelle conscience urbaine, affirmant l’importance de l’intérêt public, qui se développe dans la seconde moitié du 18e siècle. L’édification de la halle et du lotissement attenant est confiée à Nicolas Le Camus de Mézières, architecte expert juré du roi et de son université.
Le bâtiment proposé est inédit, par le plan urbain qu’il propose. […] Premier monument public conçu au centre d’un quartier de maisons locatives et desservi par un réseau de rues en étoile, le projet fonde son originalité sur la volonté de former deux halles en une, grâce à un bâtiment en arcades déployé autour d’une cour centrale.
Le choix d’un plan annulaire fait référence à la figure du cercle qui s’affirme, à l’époque des Lumières, comme l’un des modèles primordiaux de l’innovation architecturale. Il constitue une rupture avec le schéma traditionnel des halles-nefs rectangulaires. […]
Restauration du panorama du commerce
Le visiteur qui entre dans la Rotonde de la Bourse de Commerce lève d’emblée la tête vers la coupole culminant quarante mètres plus haut. Il découvre alors l’immense décor peint en 1889 qui se déploie à 360 degrés. Retour sur une restauration hors-norme.
« J’ai été impressionnée par l’ampleur du décor : 10 mètres de haut pour 140 mètres de long, soit 1 400 mètres carrés de toiles. Ça n’en finissait plus ! » Alix Laveau
Il traite l’expansion et la modernité de la France à travers le commerce dans le monde entier. Rendant compte de l’inauguration de la Bourse de Commerce, Le Temps, dans son numéro daté du 21 novembre 1889, qualifie ce décor de « panorama du commerce ». N’oublions pas que, cette année-là, Paris accueille une exposition universelle : les deux monuments phares présentés par la France sont la Tour Eiffel et la Bourse de Commerce. La France se drape dans ce qu’elle considère alors comme « ses plus beaux habits » et ce décor en fait partie !
Le panorama est l’œuvre non pas d’un mais de cinq artistes, d’où le manque de cohérence souligné par certains articles de presse. Quatre d’entre eux ont traité du commerce dans une partie du monde. Évariste Vital Luminais a représenté l’Amérique et Désiré François Laugée, la Russie et le Nord. L’Asie et l’Afrique ont été confiées à Georges Clairin et, pour clore le panorama, l’Europe, à Marie-Félix Hippolyte-Lucas. Entre chacune de ces quatre scènes, Alexis-Joseph Mazerolle, qui supervise l’ensemble, a réalisé dans la direction des quatre points cardinaux des allégories des continents et régions peintes par les autres artistes. Ainsi, l’Europe est-elle symbolisée par les arts et l’architecture, l’Afrique par le lion et la chasse, l’Orient et l’Asie par le narguilé et les éléphants ; le Grand Nord, enfin, par l’ours polaire. C’est donc à un voyage au long court qu’invite cette composition riche en détails.
Depuis la passerelle installée au sommet du cylindre de Tadao Ando, les visiteurs sont bien plus près du décor que ne l’avaient été leurs devanciers de la fin du 19e siècle. Cette vision nouvelle fut une découverte pour nombre d’entre nous. Le « panorama du commerce » s’invite, en quelque sorte, parmi les œuvres de la collection Pinault. L’enjeu de la restauration prend ainsi tout son sens.
Pour conclure, il est amusant de rappeler que Marco Ferreri, réalisateur italien, fait dire, dans son film : Touche pas à la femme blanche ! (1974), à Philippe Noiret, en parlant de la Rotonde de la Bourse de Commerce : « Belle fresque n’est-ce pas ? C’est notre chapelle Sixtine à nous ! ». Difficile de faire mieux comme compliment.