Gustave-Adolphe Mossa au musée des Beaux-Arts de Nice
Nice, Musée des Beaux-Arts : Gustave-Adolphe Mossa, « Niciensis Pinxit ». Jusqu’au 15 mai 2022
Cinquante ans après le décès de l’artiste et conservateur, le musée rend un hommage flamboyant à cet homme aux multiples talents. Cette rétrospective de l’œuvre du célèbre artiste niçois présente ses peintures et aquarelles symbolistes emblématiques, qui préfigurent le surréalisme et l’heroic fantasy, des œuvres d’une virtuosité surprenante, aux sujets parfois licencieux. Mais elle offre aussi une plongée dans les nombreux autres domaines artistiques que Gustave-Adolphe Mossa a exploré au cours de sa vie.
Niçois attaché à son patrimoine, Gustave-Adolphe Mossa endosse tour à tour le rôle d’historien, d’archéologue, d’auteur dramatique en français et en nissart, mais aussi d’illustrateur. Pendant plusieurs décennies, il crée de fantastiques maquettes de chars de Carnaval. Féru de traditions locales, il ressuscite les costumes locaux dans le groupe de danse folklorique Nissa la Bella. Et de 1926 à 1971, il assume avec entrain et passion la fonction de conservateur au musée des Beaux-Arts Jules Chéret.
Né et mort à Nice, Gustave-Adolphe Mossa (1883-1971) s’est intéressé très tôt à la peinture sous l’influence de son père Alexis Mossa. Peintre également, celui-ci était devenu le premier dessinateur-concepteur du Carnaval. Il était également, aidé de son fils, restaurateur de fresques des chapelles médiévales de l’arrière-pays. Il fonda le Musée des Beaux-Arts de Nice et, à sa mort, en 1926, Gustave-Adolphe reprit sa succession en tant que Conservateur. Toujours sur les traces paternelles, cet artiste prolifique a fourni, chaque année pour le Carnaval, les maquettes de chars et de « grosses têtes », alliant le burlesque du Roi à ses propres fantasmes. Quoique décalé, il fut toujours un peintre reconnu à Nice.
C’est après sa disparition que fut découverte son importante œuvre symboliste exécutée dans sa jeunesse, entre 1903 et 1917, et abandonnée au retour de la Première Guerre Mondiale dont il est revenu blessé. Exposés à Paris et à Nice, ses tableaux - pourtant pas les plus marquants - avaient reçu un accueil hostile. Du coup, il produit des paysages, des illustrations de nombreux ouvrages, des écrits de farces et de songes burlesques, des livrets d’Opéra... La musique était aussi un de ses terrains de prédilection.
En tant que peintre symboliste, Mossa est mal connu, il est totalement à part et ne ressemble à aucun artiste. Pourtant, il impose, après d’autres plus illustres que lui (Gustave Moreau, Klimt, Odilon Redon...), une atmosphère saturée d’une imagination fantastique et d’un univers morbide venu de la poésie baudelairienne. Ses personnages fabuleux ont-ils été empruntés à quelque maître ancien de la Renaissance – il a voyagé en Italie avec son père – ou sont-ils le fruit de son imagination et de son monde intérieur ?
Suivons la thématique des salles de l’exposition
Le parcours de cette exposition révèle sous un jour nouveau ce créateur à la confluence des mouvements artistiques internationaux et de la culture régionale à laquelle il reste attaché toute sa vie.
Une salle intitulée « Les tristes heures de la Guerre » montre des dessins qu’il fit durant la Première Guerre Mondiale, une période éprouvante dans la vie de cet artiste. Blessé, il aura pourtant passé plus de temps en convalescence que sur le front. Un carnet de croquis montre la vie des chasseurs alpins. Les peintures symbolistes faites à son retour représentent l’essentiel de son œuvre.
Plusieurs vitrines exposent les diverses facettes du travail de l’artiste. On peut voir dès l’entrée les dessins accompagnant la musique de Schumann et illustrant certains chants. Dans le couloir central nous sommes étonnés de voir un travail accompagnant des livrets d’opéra, des livres et des pièces de théâtre. C’est un important pan de la littérature qui a été illustré par Mossa.
Une autre salle est consacrée à des relevés de fresques anciennes découvertes dans les chapelles de l’arrière-pays niçois. C’est une surprise de découvrir le mysticisme d’un artiste souvent très critique vis-à-vis du clergé. Car souvent d’autres tableaux sont à examiner de près pour y trouver des symboles cachés. Même le Christ sur la croix est entièrement recouvert par Marie Madeleine. Les miniatures figurant sur les vêtements sacerdotaux dévoilent des pensées intimes. Le départ de l’époux à la guerre offre au conseiller un chuchotage à l’épouse explicité par des scènes d’orgie placée sur le vêtement. Dans un autre tableau, un livre saint ouvert montre des scènes torrides. Le Pierrot au couteau sanglant se venge du départ de sa dulcinée au bras d’un rival. Pour chaque tableau ou dessin, il faut prendre le temps de regarder les moindres détails afin de découvrir les multiples intentions qui le composent. L’aspect psychanalytique en étant une composante essentielle chaque tableau explicitant une vérité cachée.
La femme vue par un misogyne
La femme est toujours dangereuse, vénéneuse, porteuse d’une jouissance suprême tout autant que de mort. Les rapaces sont prêts à dévorer tout cadavre. La fleur témoigne de la brièveté de l’existence. L’atmosphère est étrange, étouffante, ouverte sur un imaginaire sans limites et sur des mystères à l’infini. Les mythes servent de prétextes à des chimères maléfiques.
La femme est une sorcière dangereuse, infernale, avec des symboles spécifiques à chacune. Judith, Cléopâtre, Dalila et d’autres sont coiffées à la mode des années 1900, avec des chevelures luxuriantes. Elles ont souvent des expressions perverses ou concupiscentes (Bethsabée, La Sirène repue...). Il a peint plusieurs Salomé aux multiples têtes coupées de Saint-Jean, mais aussi Judith, coupeuse de la tête d’Holopherne. Serait-ce chez le peintre un fantasme obsessionnel ?
La perversité concupiscente et le regard magnétique prouvent la satisfaction voluptueuse de « La Sirène repue » de sang, tel un vampire. Ce démon ailé porte entre ses deux seins un médaillon aux armes de la ville de Nice, dont quelques monuments reconnaissables surnagent autour d’elle. « Salomé » surmontée par une tête de Saint Jean à la fois tragique et amusant. Avec des têtes de mort sur sa tête et des vautours, la femme écrase les hommes dans « Elle », on peut détailler l’expression du vieillard libidineux de « David et Bethsabée », contempler « Sainte Marguerite terrifiant le dragon ».
Cette superbe et passionnante exposition, vraiment très riche, ne dure que 3 mois. Elle est fabuleusement intéressante pour mieux connaître ce peintre resté toute sa vie attaché à la ville de Nice.