Hokusai au musée des Arts Asiatiques de Nice
Chefs-d’œuvre de la collection Georges Leskowicz
Du 1er octobre 2022 au 29 janvier 2023
Omniprésent dans l’estampe japonaise, le paysage prend une nouvelle dimension dans l’œuvre de Hokusai. Ce dernier en renouvelle les codes dès les premières années de sa carrière, puis révolutionne le genre durant les années 1830. Son sens de l’innovation donne naissance à un nouveau paysage à la croisée des traditions extrême-orientales et des apports de l’Occident comme le bleu de Prusse et la perspective linéaire. Il s’exprime également dans son habileté à jouer avec les motifs, les formats, les échelles et les cadrages. Le paysage devient un sujet à part entière tout en laissant une place de choix à l’homme et au foisonnement de ses activités.
Première exposition dédiée à Hokusai organisée à Nice, cet évènement offre l’occasion d’explorer le paysage dans l’œuvre de cet artiste iconique. Issues de séries remarquables, 126 estampes de la prestigieuse collection Georges Leskowicz sont présentées au musée départemental des arts asiatiques de manière inédite. Le parcours proposé au public est enrichi de 10 œuvres prêtées par des partenaires du musée (la Manga, un palanquin, un manteau armure…). Elles permettent de passer de l’image à l’objet et de découvrir le Japon de l’époque d’Edo.
Trente-six vues du Mont Fuji
Les estampes connaissent de beaux succès aux 17e et 18e siècles. Mais celui qui va faire connaître l'estampe japonaise dans le monde entier arrive au 19e. Avec sa série "Trente-six vues du Mont Fuji" en 1830, Hokusai relance la fascination autour du monde flottant. Et l'élément qui va le démarquer de ses pairs, est tout droit venu d'Occident : le bleu, omniprésent.
La caractéristique à cette série c’est l’argument de vente, puisqu’on a tracé d’une publicité qui annonce le lancement de cette série et l’éditeur savait que ça allait cartonner. L’argument phare, c’était : regardez, il y a un nouveau pigment, et ce pigment vient de l’occident ! C’est un bleu de Prusse qu’on appelle aussi bleu de Berlin."
Autour du Mont Fuji
Hokusai, rend sensibles les quatre éléments et plus particulièrement l’eau pour créer un espace complexe à la composition particulièrement soignée. Qu’il figure la montagne de près comme de loin, à l’aube ou au crépuscule, sous la neige ou l’orage, environnée de brumes ou dans un ciel limpide, il fait preuve d’une habileté révolutionnaire pour intégrer à son savoir-faire oriental les techniques de la perspective occidentale et construire une illusion spatiale, une profondeur de champ, inconnues jusqu’alors.
Risquée pour l’éditeur, Nishimuraya Eijudô, la publication de cette imposante suite d’images avant-gardiste, luxueusement imprimée en largeur et en grand format, remporte un immense succès, si bien que dix planches supplémentaires sont venues s’ajouter aux trente-six estampes initialement prévues. Cette série vient justement couronner l’œuvre que le maître a consacré à glorifier la nature. À travers le choix d’un sujet unique – le Fuji – symbole d’immuabilité, chargé d’une histoire prestigieuse, se lit la capacité de l’artiste à saisir le reflet fugace de la vie et du mouvement pour fixer de la plus belle manière un instant d’éternité.
D’autres séries sont publiées sur des thèmes tels les Vues des ponts célèbres, les Cascades de différentes provinces, le Vrai Miroir des poètes et des Poèmes chinois et japonais et les Cent poèmes expliqués par la nourrice. L’exposition en donne des exemples. Des carnets de croquis sont exposés. Des livres d’estampes, comme les mangas actuels, sont publiés selon les thèmes variés. C’est une façon de feuilletonner des histoires afin de retenir l’attention des lecteurs.
Les mangas
La Manga, publiée entre 1814 et 1878, est l’un des chefs-d’œuvre du livre illustré japonais de l’époque d’Edo. Cet album de gravures sur bois, composé de quinze volumes, comporte près de quatre mille dessins de Katsushika Hokusai (1760-1849). Destinée à servir de manuel de peinture, la Manga nous fait découvrir la méthode de l’artiste, en même temps que l’univers graphique de ce génie du trait que fut Hokusai. Interprète de la nature et observateur minutieux du monde des hommes, il fut aussi un génie du fantastique, laissant libre cours à son inventivité et à son humour.
Figurant les choses et le monde vivant, humain et animal, naturel et surnaturel, la Manga se révèle un précieux répertoire iconographique. Le terme même de manga, désignant aujourd’hui les bandes dessinées japonaises, est difficile à traduire : l’idéogramme man, qui désigne une chose « sans suite », « décousue », « confuse », ou qui « manque de tenue », renvoie ici à une idée de totale spontanéité, de foisonnement anarchique, qu’il convient de combiner avec le caractère ga, ou « dessin ». Il s’agirait donc de croquis exécutés au fil de l’inspiration, librement et sans ordre, de rapides esquisses sur des sujets divers et variés, d’ébauches, de dessins impromptus.
24 vues sans mont Fuji
Photos de Nicolas Boyer
Avec sa série 24 vues sans mont Fuji, Nicolas Boyer y ajoute l’approche toute japonaise de l’ukiyo-e dans sa manière de se focaliser sur des instants de la vie quotidienne. Il joue avec les clichés que l’on peut avoir sur le Japon et les détourne pour montrer sa vision de ce pays. Usant du paysage urbain comme d'une toile de fond théâtrale, il gomme la frontière entre reportage et mise en scène et nous livre des images-récits d’un Japon d'aujourd'hui.